cérémonie de thé chinoise traditionnelle gong fu

Qu’est-ce que le Gong Fu Cha, l’Art du thé Chinois ?

Le Gong Fu Cha est l'art du thé chinois. En plus d'une méthode de préparation rigoureuse, c’est aussi une philosophie et un art enraciné dans des siècles de traditions. Si vous souhaitez en savoir plus sur cet art traditionnel ou simplement le découvrir, nous allons vous fournir ici tous les éléments dont vous avez besoin pour explorer l'histoire, la philosophie, les techniques, et l'impact culturel de cette pratique unique pour réellement la comprendre.

 

1. Origines et Évolution du Gong Fu Cha

L’histoire du Gong Fu Cha remonte aux dynasties anciennes de Chine. Bien que la consommation de thé soit attestée depuis la dynastie Tang (618-907), l’art de préparer le thé avec précision et raffinement s’est vraiment développé sous la dynastie Ming (1368-1644). Au cours de cette période, les théières en terre cuite de Yixing ont vu le jour, signalant une transformation dans la préparation et la saveur du thé.

Estampe chinoise sur le gong fu ou art du thé chinois

Le Gong Fu Cha est particulièrement lié aux régions du Fujian et du Guangdong. Dans ces régions alluviales, les producteurs de thé ont amélioré leurs techniques de préparation des feuilles, générant des thés tels que le Tie Guan Yin et les Oolong de Wuyi qui conviennent idéalement à ce procédé.

Une anecdote raconte que l’Empereur Qianlong de la dynastie Qing, un grand amateur de thé, aurait été fasciné par la précision et la beauté des gestes d’un maître thé en Fujian. Qianlong (Gaozong, 1711-1799), empereur de la dynastie Qing, manifestait une grande admiration pour la culture et les accomplissements scientifiques. L'art d'apprécier le thé l'attirait particulièrement et il poursuivait son intérêt avec dévouement. Les poèmes, les peintures et les calligraphies sur le thé, les accessoires pour la préparation du thé ou les ornements installés dans les maisons de thé n'ont suscité un tel intérêt chez aucun autre emblème chinois.

Portrait de l'Empereur Qianlong

 

2. Philosophie et Signification du Gong Fu Cha

Le terme « Gong Fu » (功夫) signifie littéralement « effort » ou « maîtrise ». Dans le contexte du Gong Fu Cha, il exprime l’idée de consacrer du temps, de l’attention minutieuse et de la précision dans la préparation du thé, en transformant chaque geste en un acte de pleine conscience.

Ce processus reflète une harmonie entre le corps et l’esprit, s’inspirant des philosophies du taoïsme pour l’union avec la nature, du confucianisme pour l’ordre et le respect, et du bouddhisme pour la recherche de sérénité. Ainsi, préparer le thé devient une pratique presque méditative, permettant de se recentrer dans l’instant présent.

Une citation classique du philosophe Lu Yu, auteur du Cha Jing (« Le Canon du thé »), résume parfaitement cette philosophie : "Le thé est une voie pour la paix de l'esprit, et chaque tasse est une leçon de patience."

 

3. Les Thés Utilisés dans le Gong Fu Cha

Le choix du thé est un élément fondamental dans le Gong Fu Cha, car chaque type de thé offre une expérience sensorielle unique et demande des techniques particulières pour révéler pleinement ses arômes et saveurs.

  • Oolong : Ces thés semi-oxydés, issus principalement des régions du Fujian et de Taïwan, sont parmi les plus appréciés pour le Gong Fu Cha. Le Tie Guan Yin, par exemple, offre des notes florales et lactées, tandis que le Da Hong Pao, un Oolong des montagnes Wuyi, déploie des saveurs profondes de fruits secs, de bois et de caramel. Leur complexité permet des infusions multiples, avec une évolution subtile à chaque passage.

  • Pu’erh : Originaire du Yunnan, ce thé fermenté se décline en versions crues (sheng) ou mûries (shou). Les Pu’erh crus offrent des notes végétales, d’agrumes et parfois une certaine astringence, tandis que les versions mûries se caractérisent par des saveurs terreuses, boisées et riches, semblables à l’humus. Ce thé est très prisé pour son énergie (cha qi) qui dynamise le corps tout en calmant l’esprit.

  • Thé blanc : Le Bai Hao Yin Zhen (Aiguilles d’argent) est récolté à partir des bourgeons tendres du théier. Son infusion délicate révèle des notes subtiles de fleurs, de miel et de foin frais. Ce thé est apprécié pour sa pureté et ses bienfaits pour la santé, souvent liés à sa richesse en antioxydants.

  • Thé vert : Le Long Jing (Puits du dragon), cultivé près du lac de l’Ouest à Hangzhou, est célèbre pour ses arômes frais et noisettés, accompagnés d’une douce amertume. La préparation du thé vert demande une attention particulière à la température de l’eau, souvent autour de 75-80°C, pour préserver ses saveurs subtiles.

Chaque thé possède son propre cycle d’infusion, souvent adapté au goût du buveur et à la variété spécifique. Par exemple, un Oolong peut révéler jusqu’à 8 à 10 infusions, avec une richesse aromatique croissante ou changeante au fil des passages. Cette exploration des saveurs est une expérience unique à chaque séance de Gong Fu Cha.

 

4. Matériel Nécessaire pour le Gong Fu Cha

Le Gong Fu Cha demande un équipement spécialisé, chacun contribuant à l’expérience globale :

  • Théières Yixing : Ces théières en argile poreuse sont réputées pour leur capacité à « mémoriser » les arômes des thés précédemment infusés. Chaque théière est souvent dédiée à un type de thé spécifique (comme les Oolong ou les Pu’erh) afin de préserver et sublimer les saveurs. Leur taille compacte est idéale pour les infusions répétées caractéristiques du Gong Fu Cha.

    Théière Yixing dragon pour cérémonie de thé gong fu
  • Gaiwan : Composé d’un bol, d’un couvercle et d’une soucoupe, le gaiwan est un outil polyvalent utilisé pour préparer et déguster le thé. Sa conception permet de contrôler avec précision la durée des infusions et d’apprécier l’apparence des feuilles en expansion.

    théière gaiwan pour cérémonie de thé gong fu
  • Cha Hai (pichet à thé) : Ce récipient est utilisé pour verser l’infusion avant de la servir, garantissant une saveur uniforme entre les tasses. Le cha hai symbolise l’équité et l’harmonie dans la cérémonie.

    pichet à thé chinois Cha Hai
  • Tasses : Les tasses de dégustation sont souvent petites, permettant de savourer chaque gorgée avec une concentration accrue. Leur forme et leur matériau influencent la perception des arômes.

  • Cha Pan (plateau à thé) : Le plateau, souvent en bois ou en bambou, recueille l’eau excédentaire et les débordements, tout en servant de support fonctionnel et esthétique à la cérémonie.

  • Accessoires complémentaires : Des outils tels que des pinces pour manipuler les tasses, des aiguilles pour nettoyer les théières, et des filtres à thé peuvent enrichir l’expérience. Une bouilloire avec contrôle précis de la température est également essentielle pour ajuster l’eau à chaque type de thé.

Chaque élément de cet équipement joue un rôle dans l’harmonie globale du Gong Fu Cha, créant une expérience sensorielle complète où esthétique et fonction s’entrelacent.

 

5. Techniques et Processus du Gong Fu Cha

La méthode du Gong Fu Cha repose sur plusieurs étapes clés, chacune ayant une signification et une importance précises pour magnifier l'expérience de dégustation :

  1. Rincer les feuilles : Avant de commencer à servir le thé pour le boire, on fait souvent infuser le thé une première fois pour éliminer d'éventuelles impuretés qui peuvent apparaitre lors de la fabrication et du stockage. Ce premier service est appellé "rinçage". On lave littéralement les feuilles qui vont nous servir à boire lors de notre vraie dégustation. Aussi, le rinçage a également pour but de réveiller ces feuilles pour permettre aux arômes et aux saveurs de pleinement se déployer lors des futures infusions. Même si cette étape est la plus courte du processus, elle contribue à tisser un lien avec le thé lui-même et le maître qui le prépare.

  2. Infuser : L’art de l’infusion est le cœur du Gong Fu Cha. Chaque infusion est soigneusement chronométrée et ne dure souvent que quelques secondes. Selon le type de thé, le nombre d'infusions peut varier. Pour les thés verts, on compte souvent entre 4 à 6 infusions, car leurs saveurs s'épuisent plus rapidement, alors que les thés noirs peuvent être infusés jusqu'à 8 fois, selon la qualité. Les thés pu'erh, eux, surtout les versions sheng (crues), peuvent offrir 10 à 20 infusions, et même davantage pour des feuilles âgées ou de qualité exceptionnelle. Plus la quantité de feuilles sera grande et plus le nombre d'infusions montera aussi en conséquence. Les préférences de celui qui consomme le thé en matière de force et de gout influencera évidemment le nombre d'infusions. Car si certains préfèrent arrêter lorsque les saveurs principales s'atténuent, d'autres vont continuer pour explorer les notes plus subtiles.

  3. Verser et servir : L’acte de verser le thé est une démonstration de grâce et de précision. Le thé est d'abord versé dans un pichet intermédiaire (le cha hai) pour homogénéiser la saveur avant d'être servi dans des petites tasses. Ce processus garantit que chaque convive reçoive une infusion équilibrée. Les gestes doivent être fluides et élégants, car dans le Gong Fu Cha, l’esthétique visuelle participe autant à l’expérience que le goût.

art du thé chinois gong fu

Une anecdote célèbre illustre l’importance du raffinement dans cette pratique : un maître thé à Guangzhou pouvait déterminer la qualité d’un Gong Fu Cha uniquement en écoutant le son de l’eau coulant dans les tasses. Pour lui, chaque nuance sonore révélait la température de l’eau, la qualité des feuilles, et même le niveau de maîtrise du préparateur.

 

6. L’Eau : L’Âme du Thé

Lu Yu, connu comme le "Sage du Thé", écrivait dans son célèbre Cha Jing (Les Classiques du Thé, en Français) : "L’eau est la mère du thé, et le thé ne peut prospérer sans une eau de qualité". Mais qu'est-ce qu'il entendait vraiment par là ?

théière gong fu dragon qui change de couleur au contact de l'eau
  • Qualité de l’eau : Idéalement, l’eau utilisée pour le Gong Fu Cha doit être de source naturelle, légèrement minéralisée pour accentuer les saveurs du thé sans les masquer. Les amateurs recherchent souvent une eau douce, exempte de chlore ou d’impuretés. Lorsque l’eau de source n’est pas disponible, une eau filtrée est une alternative acceptable, bien qu’elle ne puisse égaler la pureté d’une eau de montagne.

  • Température spécifique : Chaque type de thé a des besoins précis en termes de température pour révéler pleinement ses arômes sans les dénaturer. Pour les thés verts délicats comme le Long Jing, une eau entre 70 et 80°C est idéale, car, plus chaude, la température de l'eau pourrait détruire les acides aminés qui donnent à ce thé ce goût légèrement sucré qu'on appelle Umami ! Les Oolong, plus robustes, préfèrent une eau légèrement plus chaude, autour de 85-95°C. Enfin, les thés fermentés comme le fameux Pu’erh nécessitent souvent une eau bouillante à 100°C pour infuser correctement leurs saveurs complexes !

  • Importance de l’ébullition : La préparation de l’eau est tout un art. Traditionnellement, on observe les "trois stades de l’ébullition" : le premier frémissement (légères bulles comme des yeux de crevettes), le deuxième stade (bulles montantes comme des perles) et le dernier (forte ébullition). Chaque étape correspond à une intensité d’eau adaptée à différents types de thé. Dans l'ancienne Chine, les maîtres de thé perfectionnaient leur art en observant minutieusement le « chant » de l'eau qui bouillonnait. D'après les textes de la dynastie Song, le premier bouillonnement produisait un son qui ressemblait au chant des cigales, le second évoquait le son d'une voiture à distance et le troisième rappellait au souffle du vent dans les pins.

 

7. Le Rôle Social et Spirituel du Gong Fu Cha

Le Gong Fu Cha n'est pas uniquement une question personnelle. La culture chinoise le considère comme une pratique qui favorise et consolide les relations sociales. La participation à une cérémonie de thé est perçu comme un geste respectueux et bienveillant. Chaque aspect du Gong Fu Cha, des gestes précis aux échanges autour des tasses, vise d'ailleurs à encourager une atmosphère de sérénité et de connexion.

Historiquement, la cérémonie de thé était utilisée pour accueillir des invités de marque, sceller des alliances ou simplement favoriser des discussions philosophiques. Une anecdote célèbre raconte qu’un maître de thé du Guangdong refusait de commencer une séance de Gong Fu Cha tant que tous les participants ne s’étaient pas assis en cercle, symbolisant l’égalité et la communauté.

Préparation artistique du thé chinois par des femmes artisanes selon la cérémonie traditionnelle du Gong fu Cha

Le partage des infusions dans de petites tasses renforce cette idée : au lieu de servir une grande quantité à chacun, on distribue plusieurs petites portions, encourageant la patience, l’échange et une appréciation progressive des arômes.

Une citation populaire illustre bien cette dimension : "Trois tasses : la première pour la soif, la deuxième pour l’amitié, et la troisième pour l’éternité."

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